Après l’annonce de ce nouveau confinement, cette histoire que j’ai écrite autour de ma micro-collection de pâquerette tombe à point nommé.
Je t’emmène en balade, loin des médias, loin de ton intérieur qui risque de devenir oppressant ces prochains jours. Je t’emmène à la rencontre d’un personnage, peut-être toi, qui va se retrouver face à son « moi » intérieur. Connais-tu le tien ?
Ecoutes-tu la petite voix qui t’anime au plus profond de toi ? La laisses-tu te guider ?
Dernière une vitre exposée plein sud, tu te laisse caresser par les rayons chaleureux du soleil de mars. Par la fenêtre tu distingues quelques jeunes bourgeons sur les arbres encore nu. Pourtant, ce n’est ni une forêt, ni un jardin que tu as devant toi. C’est un parking arboré. Nul besoin d’avoir des herbes folles et des fleurs sauvages au pied des arbres : il y a du béton. C’est gris, maussade. Alors tu cherches à t’évader.
Tu sors. Tu préfères les chemins les moins fréquentés. Ils sont plus calmes. Plus doux. La nature y est libre. Paisible. Plus tu t’éloignes de cette ville grise et oppressante, plus tu te sens en harmonie avec la faune et la flore qui t’ entoure.
Tu es accompagné par un couple de papillons citron. Ils tournoient l’un autour de l’autre, comme deux comètes qui ne pourraient plus lutter contre une gravité puissance qui les attirerait l’une à l’autre. Ils disparaissent sur l’horizon laissant place à une escorte bruyante de bourdons. L’un d’eux se pose sur toi. N’ai pas peur : il reprend des forces. C’est à ce moment-là qu’elle arrive. Une sorcière. Cette âme de mage blanche qui sommeillait en toi t’envahis enfin.
A cette heure calme et matinale, elle te pousse à marcher plusieurs kilomètres pour observer la nature. Elle te fait découvrir les bienfaits des plantes sauvages que tu rencontres au détour des sentiers. Cette sorcière que tu cachais dans les recoins les plus sombre de ton cœur ne demande qu’à être mise en lumière. Elle t’ouvre les yeux sur la puissance de ces fleurs que l’on pourrait juger si insignifiantes. Tu les vois ? Un cœur jaune, de nombreux pétales blancs, parfois roses aux extrémités. Ces pâquerettes ont pourtant autant de pouvoirs que la rose. Cette fleur si visible, si fragile, si rayonnante, si imposante, a finalement autant de magie qu’une petite fleur des champs commune et robuste.
Cette petite fleur fait écho en toi. Elle te rappelle la femme commune et pourtant si forte et si rayonnante que tu es ! Cette femme à la puissance incommensurable qui n’ose pas s’affirmer. Peut-être que tu n’avais simplement pas conscience de son potentiel ? Finalement, tu t’arrêtes. Tu t’accroupis et tu cueilles une pâquerette. La fragilité de cette fleur entre tes doigts te rappelle la fugacité de ta vie.
Le bourdon, qui s’était autorisé un moment de répit à tes côtés, reprend bruyamment son envol. Tu le regardes, simplement, naïvement, disparaitre dans l’azure du ciel.
Tu reprends timidement le chemin du retour. Tu laisses dernière toi cette sorcière inconnue et familière à la fois. Tu rentres chez-toi. Tu oublies ta petite pâquerette non loin de ton vide poche. Entre deux divagations, tu te ravises. Tu lui cherches un vase inapproprié pour qu’elle finisse ses jours silencieusement dans ta cuisine.
Les heures passent. Quelque chose ne va pas. Ta sorcière te rattrape. Tu ne peux pas laisser cette fleur dépérir ainsi. Tu l’effleures. Elle rayonne curieusement. Tu es ébloui. Tu ne comprends pas. Il y a tellement de lumière dans la pièce ! Tu es aveuglé.
Lorsque tu penses reprendre tes esprits, ce n’est plus une petite fleur des champs qu’il y a devant toi: c’est un bouquet. Un bouquet de pâquerettes éternelles. Figées, ces fleurs ne craindront ni le gel, ni la sècheresse. Elles se sont épanoui au printemps et elles resteront belles et fraiches des années durant. Car ce ne sont plus de petites fleurs que tu as devant, mais un bijou resplendissant.